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Le Livre du Mois

Depuis octobre 2022

Livre du mois d'avril 2023

Auteur(s) : José María Arguedas (Auteur péruvien)
Titre(s) : « Le Renard d’en haut  et le Renard d’en bas »
Éditeur : Grevis

Publication MD : mars 2023 — Page 25

L’analyse CD-P-LI :
Le livre du mois : Le Renard d’en haut et le Renard d’en bas de José Maria Arguedas, auteur péruvien, ouvrage sorti aux Éditions Grevis, (Petite maison associative basée à Caen) ouvrage préfacé par Jean-Marie Gustave Le Clézio.
C’est un livre qui s’inscrit dans la logique des livres du Monde et qu’ici sur notre site et en lecture nous privilégions. Et de plus le MD en parle.

Il décrit un Pérou à l’aube du XXème siècle, le petit port de Chimbote en plein développement grâce surtout à la transformation et l’exportation de la farine d’anchois.
Le récit est parsemé de différents personnages tous pittoresque les uns des autres, des tranches de vie sur pattes, une population interlope issue des Barriandas (bidonvilles), tous plus ou moins bariolés de sentiments contradictoires, souffrant de douleurs, fraternisant ou s’ignorant, s’abrutissant de travail, d’étreintes plus ou moins clandestines et d’alcool, des personnages catastrophés par la cruauté du capitalisme, ce qui fait dire à l’un des personnages lucide entre deux verres d’alcool.

Tous nos hommes qui s’affrontent ici à Chimbote portent des siècles sur leurs têtes, ils sont les continuateurs très sui generis d’une bataille qui a surgi depuis que la civilisation existe …

… Oui, bien sûr, mais quand notre auteur fait dire naïvement civilisation, il faut lire et dire en douce confidentialité civilisation colonisatrice.

José Maria Arguedas (1911 – 1969) est un écrivain majeur de la littérature sud-américaine, ses deux précédents ouvrages sont sortis aux Éditions Gallimard Les Fleuves profonds et Tous sang mêlés sont les plus connus de son œuvre ; Arguedas était également poète, anthropologue et éthologue.

Ce livre inédit en France est un livre posthume. Rosana Orihuela la traductrice a fait et refait un travail d’investisseuse de la langue particulière de Arguedas en essayant de respecter les langues du Pérou bousculées par le castillan métissé de quechua, d’argot et d’espagnol policé jusqu’à la distinction et mélangé avec du yankee de base, si bien que le préfacier Le Clézio, puriste de la langue française relève la pertinence de la traductrice de voir une syntaxe bousculée, de la conjugaison malmenée et autre prononciation approximative des protagonistes mais qu’ici témoignent du tragique et de la violence de cette société.

Un récit qui s’approche du chaudron bouillant d’une société péruvienne en attente de son heure d’exister.
A noter que la construction, du récit est entrecoupé à chaque chapitre du propre journal de l’auteur, une construction témoignage du complexe édifice de la création littéraire et du cheminement d’une pensée face a la cruauté du capitalisme
La fin du récit est ponctuée dans le journal de l’auteur qui annonce aux lecteurs son suicide prochain, suicide qu’il réalisa en 1969.

Livre du mois de mars 2023

Auteur(s) : Lutz Seiler (Auteur allemand)
Titre(s) : « Stern 111 »
Éditeur : Verdier

Publication MD : février 2023

L’analyse CD-P-LI :
Une évocation de la vie de ceux qui ont fui une Allemagne pour retrouver une autre Allemagne, celle de l’autre côté du Mur de Berlin.
L’histoire poignante de l’émancipation d’un pays à reconstruire.

Le titre Stern 111 fait référence à une marque de radio qui au même titre que la fameuse Trabant pour la voiture emblématique de la RDA, Stern 111 était la radio-portative déterminante de sa domination médiatique qui trônait sur la table à repas dans tous les ménages est – allemand, un objet iconique des années 1960, l’équivalent du Teppaz français

La destruction du Mur se révéla très tôt autre, ce qui n’était plus, bien sûr c’était un nouvel espace de liberté, mais cela fut aussi une difficulté d’appréhender la transition, la lente métamorphose, apprendre à se débarrasser de toutes les scories liées à l’ancien pouvoir et ce ne fut pas évident.

Quand on a été Allemand démocrate de l’Est, c’est dur d’être démocrate de l’Ouest, la notion n’étant pas la même.
Stern 111 est en quelque sorte l’appareil-objet qui donne la parole tout d’abord à Walter Ulbricht, puis celle ensuite de Erich Honecker, l’appareil qui donne lien, le tour de force littéraire c’est seulement vers la fin de l’ouvrage que le nom de cet appareil magique est livré aux lecteurs : Stern 111
Finalement une connotation de belle connivence : une étoile à la table des repas démocrates de la RDA

Stern 111 est-il une réponse au journal Stern de l’ouest, chaque étoile brille selon son rayonnement. ? C’est une interrogation de lecteur, rien n’est dit dans l’ouvrage.

Le couple protagoniste de la petite Histoire face à la Grande Histoire qui se reconstruit, la famille des Bischoff, Monsieur et Madame décident d’envoyer un télégramme à leur fils Carl âgé de 26 ans afin de lui demander pendant qu’eux quittent l’Allemagne de hier pour épouser l’Allemagne d’aujourd’hui et avant que la frontière ne se referme à nouveau, ils lui demandent de revenir à la maison pour être le gardien de leur appartement et de veiller sur leur voiture , non pas une vulgaire Trabant, mais une sidérante Shigoli produite en URSS. Les uns partent dans un sens, l’autre va dans un autre sens, c’est la migration des uns et des autres.

Mais le jeune Carl seul dans sa maison s’ennuie, il a bien trouvé dans la cave une belle réserve de cidre, mais il s’emmerde et à bord de sa Shigoli il va se diriger vers Berlin-Est pour découvrir la ville d’avant lui qui vient de la campagne.

Et s’en suit la suite burlesque, grotesque d’un voyage au ridicule de la RDA se décomposant, avec une respiration de temps à autre d’un échange de lettres avec les parents qui de leur nouvelle Allemagne rêvée se sont exilés aux États-Unis par fidélité disent-ils au rockeur Bill Halley qu’ils avaient bien connus avant que se construise le mur, le rock a une autre architecture de sons et de transformation d’une musique point couvre-feu mais de protocole différent. Il découvre un espace où la poésie de la liberté retrouvée est vite rattrapée par l’Union monétaire entre les deux Allemagne et les affaires reprennent et la poésie fout le camp, des poètes – fantômes errent dans une nouvelle Allemagne

Un livre dense 570 pages, la problématique de l’ouvrage non résolue : rester sur place et construire un nouveau monde fraternel ou tout laisser derrière soi et partir.
Un livre à lire…et que je vous recommande si vous êtes passionné de littérature du monde, le livre charnière de la carnification allemande. Lutz Seiler est un romancier.

Livre du mois de février 2023

Auteur(s) : Chu T’ien-hsin (Auteur taïwanais)
Titre(s) : « Ancienne Capitale »
Éditeur : Actes sud

Publication MD : janvier 2023

L’analyse CD-P-LI :
Ce mois-ci, un auteur d’un pays inhabituel : Taïwan et une perception différente d’écriture.
Petit rappel historique
Chu T’ien-hsin est une écrivaine taïwanaise particulière, elle est chinoise présente sur cette île-pays qu’est Taïwan lors de la débâcle nationaliste de 1949 et de la scission entre Mao Tse Toung et Tchang Kaï-chek.
Taïwan est une île revendiquée par la Chine et surtout île-pays revendiquant son indépendance, c’est beaucoup pour exister ; superficie de l’île : 36.197km2, à titre de comparaison la Suisse a une superficie de 41.285km2.
Chu T’ien-hsin a la réputation d’être une personnalité forte pour les taiwanais, une sorte d’icône littéraire, dans cet ouvrage qui est un long monologue s’adressant à elle-même en utilisant donc la deuxième personne. C’est une quête difficile qui explore la conception plurielle de l’identité taïwanaise surtout avec la menace de la Chine sur l’île qui revendique le rattachement de l’île à la Chine continentale.
Petit résumé historique pour rafraîchir la mémoire
Cette île fut remarquée par les navigateurs portugais qui l’appelèrent Formoso ce qui veut dire Belle, devenue par la suite Formose, pour être ensuite colonisée par les Espagnols, puis les Hollandais, ceux-ci furent ensuite chassés par les Mandchous qui prennent le contrôle de l’île, pour être occupée ensuite par les japonais lors de la guerre sino-japonaise.
Après la défaite du Japon, lors de la dernière guerre, le Japon remet l’île à l’ONU que celle-ci cède ensuite à la Chine avec l’aval des États-Unis, ce qui permet à la Chine Populaire de justifier actuellement ses prérogatives de voisin.
Par la suite, et pour résumer très brièvement, la Chine s’entre déchire entre trois gouvernements en parallèle, il y a aussi la déchirure entre Mao et Tchang Kaï-chek, ce dernier trouve refuge sur l’île de Formose devenue Taïwan et proclame celle-ci République de Chine, Washington reconnaît Tchang et cette nouvelle appellation reniant la Chine communiste, dite République Populaire de Chine. Tchang de son vivant, président plus ou moins dictateur entretient le mythe de la reconquête de la Chine continentale sans y réussir.
Le fils de Tchang succède à son père et introduit la démocratie avec la notion de plusieurs partis.
Depuis, d’autres présidents se sont succédé.
Pékin considérant Taïwan comme une province d’outre-mer, Taïwan République de Chine est considéré comme un état libre refuge des nationalistes de 1949 ayant trouvé refuge dans l’île, elle est actuellement reconnue par 21 pays membres des Nations Unies, par exemple pour info : La Suisse ne reconnaît pas Taïwan mais a économiquement des liens très fructueux avec l’île de Taïwan, c’est la neutralité à la Suisse.
Bref résumé et approche du livre,
Ancienne capitale est une méditation sur l’enracinement, c’est une œuvre ancrée dans l’histoire de Taïwan, ce texte écrit en 1996 ressort maintenant, il a un style bien à lui.
Juste l’amorce du récit, le tout début du récit :
Tes souvenirs compteraient-ils pour rien ?
En ce temps-là le ciel était bien plus bleu, si bleu qu’il vous donnait la nostalgie de la mer toute proche, et faisaient paraître les nuages d’été encore plus blancs, comme des châteaux qu’on aurait édifiés avec de la neige.

Et la fin du livre.
… Près de l’autopont, le mur gris qui s’élevait de plus en plus haut comme un mur de prison, était propre, pas un seul graffiti dessus rien ! Quel est cet endroit ? Tu éclates en sanglots.
Une mer qui danse, une belle île, c’est ici que c’est accompli la destinée de nos ancêtres.
Entre 165 pages et ces deux phrases, il y a le rapport complexe de l’auteure-narratrice avec cette île liberté et prison à la fois que Chu T’ien-hsin défini par cette sentence :
Une terre sans maître, une île sans attache.
Je recommande la lecture de ce livre pour mieux connaître ce pays.

Livre du mois de janvier 2023

Auteur(s) : Nazim Vahabi (Auteure iranienne)
Titre(s) : « Je ne suis pas un roman »
Éditeur : Tropismes

Publication MD : décembre 2022 — Page 25
Article : Dans les sens interdits (signé Bernard Daguerre)

L’analyse CD-P-LI :
Le livre soumis à l’éventuel intérêt de ce mois est Je ne suis pas un roman de Nasim Vahabi traduit du farsi par l’auteure elle-même.
A notre dernier café en décembre, nous parlions de la situation en Iran, ici dans ce récit, il y a exploration par la littérature.
Quelquefois les écrits sont plus efficaces, les politiques de chaque pays le savent.
Le thème du roman qui revendique le droit de ne pas l’être, comme dit dans l’article de Bernard Daguerre, c’est un texte mis aux arrêts par les censeurs du pays natal de l’auteur.
Nasim Vahabi est iranienne et vit en exil en France depuis 1998.
L’article est titré Dans les sens interdits et rien n’est plus juste que ce titre parabole, le texte court sur 182 pages avec une succession de chapitres tous pertinente de sensibilité et de résonance particulière.
Un bref résumé : une auteure à son manuscrit en attente de son autorisation d’être publiée, autorisation suspendue par le bureau de censure.
Lors d’un entretien avec le chef de service, l’auteure malgré elle se trouve enfermée dans la salle des manuscrits interdits ; elle imagine alors une folle et tendre romance avec une archiviste, les deux ont alors un projet dément publier les textes interdit dans leur pays, suit un panachage de toutes les situations les plus rocambolesques.
Nassim Vahabi nous transporte dans un monde où la liberté d’expression est brimée par une bureaucratie tatillonne aux allures d’une société où l’anormalité est monnaie quotidienne autrement dit une société dystopique.
Puis, il faut presque donner un coup de chapeau aux censeurs iraniens, par leur stupidité sans scrupules, ils obligent les écrivains iraniens, les cinéastes à devenir plus intelligents que les censeurs, ils cultivent les ornières vierges et créent des phrases ou des séquences qui savent contournés la lecture première.
Ce qu’il y aussi d’intéressant dans ce petit livre de 182 pages, c’est la gestion du temps qui passe et de l’attente, avec aussi et surtout les enjeux de mémoire du monde et de l’organisation de l’oubli et de la fin de vie.
En tous les cas, un livre recommandé à lire pour comprendre un peu mieux la société iranienne.

Livre du mois de décembre 2022

Auteur(s) : Sotiris Dimitriou (Auteur grec)
Titre(s) : « Heureux soit ton nom »
Éditeur : Quidam

Publication MD : novembre 2022 — Page 24

L’analyse CD-P-LI :
Pour commencer un petit commentaire sur l’auteur ; Sotiris Dimitriou est un auteur venu du Nord de la Grèce, né à Épitre en 1955.
Il a travaillé toute son adolescence et quelques années d’adulte comme chef d’une équipe de balayeurs dans les rues d’Athènes ; c’est dire qu’il est autodidacte.
Son destin a basculé lors de la parution de son premier livre, depuis il en a rédigé une bonne douzaine.

Heureux soit ton nom, c’est l’histoire de deux sœurs prises et tiraillées par l’Histoire la Grande, puis aussi la petite histoire, celle qui reflète la vie de tous les jours et les projections de la Grande Histoire, sur la mentalité aussi du pays, en l’occurrence l’Albanie.

Ce livre est servi par l’admirable travail de traduction de Marie-Cécile Fauvin qui ici a fait un travail remarquable essayant de reconstituer le parler local avec sa rudesse en français – pas évident, langue plutôt dite savante – en ayant recours à des équivalences en vieux français (et cela fonctionne).

On y voit et entend, surtout on le lit à haute voix, une langue dialectale, servie d’une grande pudeur et la beauté et la nécessité de faire résistance pour faire vivre, survivre cette langue comme un témoignage primordial d’un monde qui s’échappe, c’est aussi grâce à cette traduction que l’on est amené à faire inventaire de mots oubliés de la langue française et qui donne existence et beauté à ce texte rude.
Juste quelques impressions de lecture :
jargner en plus – le temps broussailleux – ébravayer les chiens. Ribouté des yeux – un soleil rentrant – tamiser une pluie fine – ributé des yeux – etc

Beaucoup de métaphores de la vie paysanne fleurissent dans ce récit, c’est un bonheur de le lire.
C’est un livre que je recommande vivement pour appréhender la culture de ce petit pays.

Livre du mois de novembre 2022

Auteur(s) : Daniel de Roulet (Auteur suisse) 
Titre(s) : « L’Oiselier »
Sous-titre(s) : En Suisse, des perturbateurs
Éditeur : La Bacconière

Publication MD : septembre 2022 — Page 25

L’analyse CD-P-LI :
L’Oiselier, un petit livre de Daniel de Roulet qui arbore en un ouvrage sorti aux Éditions la Baconnière une plume critique sur la Confédération Helvétique et la création du Canton du Jura.
Tout d’abord l’approche livresque du sujet par son écriture toujours blanche sans tentative de fioritures de belles phrases il décrit les débuts de l’histoire jurassienne née aussi de la violence des Béliers.
Daniel de Roulet par cet ouvrage l’Oiselier inscrit son ouvrage dans une fiction inscrite dans son temps, très distinct de la fameuse fiction intimiste qui a fait la richesse de notre littérature, il précise même que si la Suisse se proclame sans histoire, elle ne peut être en dehors de l’Histoire, de ses violence, de ses secrets.
Anthony Burlaud, Directeur en science politique, conclue son billet en disant que Daniel de Roulet expose, suggère ne conclut pas, et le lecteur sort du livre convaincu que la Suisse n’est pas un pays au-dessus de tout soupçon.
En Suisse, il y a des perturbateurs est le titre de l’article et ils ont nom Rousseau, Ziegler, Frisch, Durrenmatt, mais aussi Niklaus Meienberg que justement Daniel de Roulet met en scène dans son ouvrage, un livre que je vous recommande…
Je crois que certains dans l’assistance l’ont déjà lu, les avis sont partagés… l’un se déclare un peu déçu, on n’apprend rien que l’on ne sache déjà, un autre répond que c’est une trace livresque car souvent le livre répand mieux la mémoire.

Livre du mois d'octobre 2022

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Café Philo 02
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